Entreprendre, c’est la meilleure solution

18 septembre 2018

Bruno Hounkponou (à gauche) en train de pêcher du poisson dans un étang piscicole. Crédit photo : PNUD Bénin / Elsie Assogba

C’est aux pieds de la vallée de l’Ouémé, dans la commune de Dangbo, à quelques encablures de Porto-Novo, que Bruno et Dorcas, deux jeunes entrepreneurs agricoles ont installé leur ferme, le Centre agro-pastoral Alpha & Omega. Pour accéder à ce site de 2 hectares et demi, il faut arpenter un chemin escarpé, descendre le long d’une pente d’au moins 50 mètres de hauteur.

Ce jeune couple fait de la pisciculture son activité principale.  Il produit 12 tonnes de poissons par an, des tilapias et du poisson chat en deux cycles d’élevage de quatre mois. Avec un chiffre d’affaires annuel de 11 millions de Fcfa, Bruno et Dorcas sont déterminés à aller jusqu’au bout dans l’exploitation de leur ferme. Ils emploient cinq ouvriers.

« Actuellement, je suis en train de construire ma maison, j’ai un moyen de déplacement, j’ai beaucoup voyagé. Tout cela a été possible grâce à l’entreprenariat agricole. Je ne regrette pas d’avoir embrassé ce secteur », raconte Bruno.

Bruno a obtenu son diplôme universitaire en agriculture en 2009. Faute de trouver un job, il devient enseignant vacataire dans des collègues de la place, où il dispense des cours de mathématiques. L’argent qu’il gagnait lui servait à peine à joindre les deux bouts. Il apprit l’annonce du Projet de Promotion de l’Entrepreneuriat Agricole (PPEA) invitant les jeunes à se former pour l’auto-emploi. Intéressé, il postula et fut recruté pour suivre la formation en entrepreneuriat agricole.

Pendant sa formation au Centre Songhaï, Bruno a fait la connaissance de Dorcas. Ils se sont mariés en 2013.

« Avec les quelques sous que j’ai rassemblés avec mes activités secondaires, j’ai réussi à prendre un lopin dans la commune de Dangbo, à Zounguè. C’est là que j’ai installé pour la toute première fois, un étang piscicole de 200 m². Nous avons fait un empoissonnement de 750 alevins et après six mois d’élevage, nous avons fait la première récolte et un bon chiffre d’affaires ».

Comme Bruno et Dorcas, près de 800 jeunes gens et jeunes filles ont été formés en entrepreneuriat agricole par le Projet de Promotion de l’Entrepreneuriat Agricole (PPEA) appuyé par le Gouvernement du Bénin, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) de 2011 à 2016.

Entreprendre oui, mais tenir compte de la demande du marché

D’un étang piscicole, Bruno et Dorcas sont passés aujourd’hui à quinze (15) étangs piscicoles, avec un bassin de récolte. Bruno et sa compagne préfèrent livrer du poisson fumé au lieu du poisson frais pour des raisons de rentabilité économique.  « Nous vendons le kilo de poisson frais à 1300 Fcfa, tandis que le poisson fumé est vendu à 7000 Fcfa le kilo ». Il ajoute : « Tout le volume de poisson que nous produisons est fumé et convoyé sur le Nigéria, parce que le coût du poisson fumé est élevé. Nous le vendons à un bon prix. Il n’est pas question de produire pour produire. Nous produisons ce qui est demandé ».

En 2015, les activités piscicoles ont connu une chute avec la fluctuation du naira (la monnaie nigériane) et n’étaient plus rentables. C’est ainsi que Bruno et Dorcas se sont orientés vers le maraîchage. Les deux produisent des légumes (la grande morelle, l’amarante, des épinards, de la tomate, du piment et autres), des fruits (des bananes).

« J’ai décidé de commencer le maraîchage non seulement pour valoriser l’eau des étangs, mais aussi pour diversifier mes activités et avoir d’autres sources de revenus surtout en période creuse où il n’y a pas de poisson à vendre ».

Bruno et Dorcas produisent aussi des plantes médicinales telles que le basilic, la citronnelle sauvage, la citronnelle buvable, qu’ils livrent au laboratoire des huiles essentielles de la Faculté des sciences de la santé (FSS).

La main d’œuvre, une équation difficile à résoudre

Chaque semaine, le couple de jeunes entrepreneurs agricoles reçoit des commandes allant jusqu’à quatre tonnes de poisson fumé, qu’il n’arrive pas à satisfaire. L’une des difficultés pour accroître la production est la disponibilité de la main d’œuvre.

« De nos jours, il n’y a pas la main-d’œuvre. Il faut avoir l’amour du travail pour faire de l’entrepreneuriat agricole. Si vous n’êtes pas prêts à vous investir personnellement et que vous comptez uniquement sur les ouvriers, vous allez échouer». 

A Dorcas d’ajouter : « J’encourage les jeunes filles comme moi à s’adonner à l’entreprenariat au lieu de courir après un emploi dans la fonction publique. Ce que je gagne ici par mois est mieux que ce que mes promotionnaires, qui ont le même diplôme que moi gagnent dans les structures, qui les emploient ». Bruno et Dorcas sont fiers de se payer chacun un salaire mensuel de 220 000 Fcfa.

« Avec l’agriculture nous allons réussir. Il y a de l’espoir. Y a-t-il un jour, où nous ne mangeons pas ? A moins de jeûner, mais après le jeûne on mange. Ça veut dire qu’il faut produire », lance Bruno.

Ce jeune couple a déjà représenté la jeunesse béninoise lors de grandes rencontres internationales, récemment à la Conférence Internationale sur l’émergence de l’Afrique en 2017 à Abidjan pour des partages d’expériences. Il projette de faire de sa ferme un centre agro-touristique, que les gens viendront visiter, où ils pourront séjourner et se divertir.